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Cinq choses à savoir sur la pénurie de main-d’œuvre

1. La pénurie ne touche pas que le Québec

Depuis des mois, des restaurants doivent fermer certains jours de la semaine, des entreprises fonctionnent au ralenti et plusieurs services sont réduits. L’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail sont particulièrement touchés. Mais peu de secteurs sont épargnés par la pénurie de personnel : la santé, l’éducation, la construction et le secteur manufacturier, entre autres, y goûtent aussi.

C’est une réalité au Québec, mais aussi dans le reste du Canada, où les entreprises peinent à pourvoir les postes vacants.

Aux États-Unis et en Europe, le portrait n’est guère plus rose.

Selon un sondage du cabinet de recrutement ManpowerGroup mené dans 45 pays, 69 % des employeurs ont dit avoir des difficultés à trouver du personnel. Les employeurs ont également signalé avoir des intentions d’embauche parmi les plus élevées depuis des décennies. C’est aux États-Unis, en Inde, au Canada, aux Pays-Bas, en France et en Irlande que ces intentions sont les plus élevées.

2. La PCU n’est pas la seule responsable

La pénurie de main-d’œuvre était là bien avant la pandémie. Depuis plusieurs années, dans les pays développés, les entreprises ont du mal à recruter.

Au Canada, selon un sondage de la Banque canadienne de développement, 40 % des PME avaient déjà de la difficulté à embaucher de nouveaux employés en 2018.

Dans les sociétés occidentales, le vieillissement de la population fait en sorte que de moins en moins de jeunes arrivent sur le marché du travail pour remplacer les baby-boomers qui partent à la retraite, explique le démographe Alain Bélanger, professeur au Centre Urbanisation, culture, société de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Si on ne prend que l’indicateur de l’âge de la population, c’est dramatique, remarque M. Bélanger.

À ce changement structurel s’est ajoutée la pandémie. Les mesures d’urgence mises en place par le gouvernement fédéral pour aider les employés ayant perdu leur emploi seraient, jugent certains, responsables des difficultés de recrutement que vivent aujourd’hui les entreprises. Pour bien des gens, il est plus avantageux de rester à la maison et de vivre des allocations que de travailler au salaire minimum, affirment-ils.

On a un contexte démographique […] plus favorable à des pénuries de main-d’œuvre, remarque Yves Carrière, professeur agrégé et directeur du Département de démographie de l’Université de Montréal. Et les politiques mises en place pour assurer une certaine sécurité de revenu font en sorte qu’il y en a beaucoup qui, pour le moment, ne se sentent pas obligés d’aller chercher un emploi.

En gardant ces programmes en place pendant une période prolongée, on vient ajouter à la conjoncture démographique et créer la tempête parfaite.
Une citation de :Yves Carrière, professeur agrégé et directeur du Département de démographie de l’Université de Montréal

Il y a également d’autres facteurs qui expliquent les difficultés de recrutement dans les secteurs qui souffrent le plus du manque de main-d’œuvre, soit ceux de l’hôtellerie et de la restauration, estime Fabian Lange, professeur au Département d’économie de l’Université McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie du travail et du personnel.

Beaucoup de travailleurs ont profité de la pandémie pour trouver du travail dans d’autres secteurs de l’économie, note-t-il. Ils sont aujourd’hui moins enclins à revenir dans ce secteur reconnu pour des conditions de travail difficiles et une faible rémunération.

3. Des solutions pour pallier le manque de personnel

Tina Weber est directrice de la recherche à la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound). Elle a repéré trois solutions mises en œuvre par les États européens pour faire face au manque de personnel :

  • rendre les emplois plus attrayants en améliorant la paie et les conditions de travail;
  • utiliser de meilleures stratégies de recrutement et attirer des groupes sous-utilisés (tels que les personnes handicapées ou les travailleurs à temps partiel);
  • améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande, notamment à travers l’éducation et le développement de compétences.

Les experts canadiens estiment également qu’il faut augmenter le taux d’activité, notamment celui des femmes, en favorisant la conciliation travail-famille.

Au Québec, la mise en place d’un réseau de garderies subventionnées a ainsi permis d’augmenter le taux d’activité des femmes, remarque Alain Bélanger.

Retenir en emploi les personnes âgées est également une stratégie porteuse.

Les travailleurs âgés ont déjà tendance à rester plus longtemps sur le marché du travail [que les générations antérieures], souligne Yves Carrière. Si, en plus, les gouvernements et les employeurs mettent en avant des politiques pour les inciter à rester sur le marché du travail, il y en a qui vont répondre favorablement.

Le taux de productivité est la clé, estime également Alain Bélanger.

Il ne faut pas juste se fier à la structure par âge, il faut aussi tenir compte d’autres caractéristiques des individus, telles que la productivité et le niveau d’éducation.
Une citation de :Alain Bélanger, professeur du Centre Urbanisation Culture Société à l’INRS

Les travailleurs plus diplômés ont tendance à être plus productifs et à prendre leur retraite plus tard, souligne le chercheur.

L’adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail est cruciale, souligne Tina Weber. Mais c’est un aspect pour lequel les États ne sont pas assez proactifs, notamment en incitant les jeunes à suivre des programmes de formation dans des secteurs en demande.

Cela nécessite un très bon système de surveillance du marché du travail qui vous indique quelles sont les compétences nécessaires maintenant et lesquelles seront nécessaires dans l’avenir, précise la chercheuse.

Dans les pays où cela fonctionne mieux, il y a une implication tripartite des employeurs, des gouvernements et des partenaires sociaux dans la discussion sur ce dont nous aurons réellement besoin à l’avenir.
Une citation de : Tina Weber, directrice de la recherche à Eurofound

Outre la mise en place de programmes de formation de durée variable, il faut également songer à offrir aux étudiants des expériences pratiques pour les préparer au marché du travail, observe Mme Weber.

Pour ce qui est de l’immigration, souvent réclamée par les employeurs, elle n’est pas la panacée, estiment les experts. On dit que c’est la solution, qu’on va avoir de plus en plus d’immigrants qui vont répondre aux emplois qu’on n’est pas capables de combler, remarque Yves Carrière. Mais encore faut-il que ces immigrants aient les compétences qu’on recherche.

Parfois ils sont surqualifiés, parfois leurs diplômes ne sont pas reconnus, et dans d’autres cas leur niveau de français laisse à désirer, explique-t-il. Résultat : Il est très difficile d’arrimer l’offre et la demande, estime M. Carrière.

De plus, il ne faut pas oublier que l’intégration des immigrants au marché du travail est longue, ajoute M. Bélanger. Le taux d’emploi des nouveaux arrivants est plus faible que celui des natifs, remarque-t-il.

4. Elle pourrait être bénéfique pour les employés

 La relation de force a changé et ce sont actuellement les employés qui sont en position de force.

Les employeurs qui veulent vraiment garder leur entreprise vont trouver le moyen d’augmenter les salaires, d’attirer de la main-d’œuvre et d’améliorer les conditions de travail de leurs employés, estime Yves Carrière.

Une feuille sur laquelle il est écrit : Une boîte gratuite de 10 Timbits lorsque vous remplissez une demande d'application pour un emploi chez nous.

Tous les moyens sont bons pour recruter de nouveaux employés. PHOTO : RADIO-CANADA / LISE MILLETTE

Si on doit augmenter les salaires des serveurs, des cuisiniers ou des femmes de ménage dans les hôtels, les prix des services pourraient augmenter, mais ceux qui vont en profiter sont les travailleurs au bas de l’échelle, observe M. Lange. Si vous vous inquiétez des inégalités et du sort des travailleurs pauvres, ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose, conclut-il.

5. Mais la pénurie pourrait ralentir la relance économique

Les entrepreneurs s’inquiètent de la situation. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et le Conseil du patronat du Québec (CPQ) ont mené ce printemps des sondages montrant que c’est un problème majeur pour leurs membres.

Selon le sondage mené par la FCEI en avril, 26 % des PME ont dû refuser des ventes ou des contrats et 17 % ont annulé ou reporté des projets d’affaires.

Pour d’autres, cependant, il faudra attendre que la poussière post-pandémique retombe avant de tirer des conclusions. Doit-on même parler d’une pénurie? Le démographe Yves Carrière n’en est pas sûr. Il est très facile pour un employeur de dire : »Je ne suis pas capable de trouver des employés ». Oui, mais tu les payes combien, tes employés? Peut-être qu’il n’y a plus personne qui veut venir travailler pour toi parce qu’au salaire que tu offres, ils vont aller travailler ailleurs.

Il y a beaucoup de postes annoncés, mais on ne voit pas encore que les salaires augmentent tellement, ajoute Fabian Lange. S’il y avait vraiment une pénurie de travailleurs, on s’attendrait à voir une augmentation des salaires.

Chose certaine, les difficultés de recrutement risquent de durer encore un bon moment, puisqu’on ne prévoit pas d’augmentation de la population active, soit les personnes en âge de travailler qui sont disponibles sur le marché du travail, d’ici 2030.

Source: Radio-Canada, Ximena Sampson (accéder à la page de l’auteur), 3 octobre 2021

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