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Pourquoi les offres d’emploi indiquent-elles si peu souvent le salaire ?

Salaire « avantageux », « concurrentiel » ou « selon expérience » : quiconque a déjà cherché un emploi connaît ces (frustrantes) formules. Heureusement, un mouvement vers plus de transparence se dessine.

Au rayon des éléments à considérer avant de changer de poste, la rémunération trône en tête de liste. En effet, selon une enquête menée par Hays au Canada, 51 % des répondants qui envisagent de quitter leur emploi actuel sont motivés par le salaire.

« On ne va pas se leurrer, à part la mission et les possibilités du poste, le salaire est l’un des plus importants facteurs qui nous font choisir un emploi plutôt qu’un autre. On travaille tous pour ça », souligne Sandrine Théard, présidente et fondatrice des Sources Humaines, l’école du recrutement.

Or, une grande partie des offres d’emploi ne contiennent pas ce renseignement crucial, même si elles précisent les exigences du travail dans les moindres détails. Qu’est-ce qui pousse les entreprises à omettre cette information ?

Beaucoup d’employeurs craignent le ressentiment ou la jalousie parmi les membres de leur organisation que pourrait causer cette divulgation. Déjà, dans la plupart des milieux de travail non syndiqués, la rémunération de chacun demeure confidentielle. « S’ils affichent l’information, ils risquent de devoir ajuster les salaires du personnel pour s’assurer qu’ils sont équitables. Et une entreprise qui n’est pas prête à entamer ce processus lance un signal d’alarme à ses employés d’aller voir ailleurs. »

Geneviève Cloutier, associée Rémunération chez Normandin Beaudry, montre du doigt pour sa part la pénurie de main-d’œuvre et la lutte pour les candidats qu’elle entraîne. « En divulguant les salaires, on ouvre la porte à la surenchère. Si notre compétiteur affiche un poste équivalent à 50 000 dollars, on peut être tenté d’offrir le nôtre à 52 000 pour attirer les talents », illustre-t-elle.

Certains employeurs croient également qu’omettre le salaire leur donne un plus grand pouvoir de négociation avec les postulants. La question de l’argent demeure en outre encore taboue pour certains.

De nombreux avantages

Pourtant, connaître le salaire dès la lecture de l’annonce comporte plusieurs avantages pour les candidats. « Ça leur permet de faire une présélection des offres qui répondent à leurs critères, de se positionner et d’être moins mal à l’aise lorsqu’ils discutent de salaire en entrevue. Ça leur évite également de perdre leur temps », énumère Sandrine Théard.

Les employeurs gagneraient du temps eux aussi en traitant uniquement les dossiers des candidats qui sont réellement intéressés par le poste et le salaire offert. L’affichage de la rémunération constitue un facteur attractif pour les entreprises qui doivent se démarquer pour recruter des talents.

« Devant deux offres d’emploi pour des postes semblables, un candidat se tournera davantage vers celle où le salaire est indiqué, parce qu’il sait à quoi s’attendre. C’est un gage d’équité et de transparence », ajoute l’experte en recrutement.

De l’information à la portée de tous

À défaut d’une information de première main, les chercheurs d’emploi disposent aujourd’hui de divers outils leur donnant un aperçu d’un revenu potentiel. Les sites comme Emploi-Québec, GlassDoor ou LinkedIn Salary permettent entre autres de comparer les rémunérations. Ils sont d’ailleurs de plus en plus consultés. Sans compter que les collègues discutent d’argent entre eux plus ouvertement qu’avant. « En 2021, tout finit par se savoir, qu’on le veuille ou non », assure Sandrine Théard.

Dans ces circonstances, les employeurs n’ont d’autre choix que de tendre vers la transparence. « Les entreprises ont tout intérêt à indiquer le salaire, surtout pour les postes non professionnels, remarque Sandrine Théard. On doit se mettre dans la peau des candidats. Certains présument que c’est une offre bidon ou vraiment mal payée quand le salaire n’est pas mentionné. Plusieurs ne postuleront pas. »

Pour éviter à la fois cette mauvaise interprétation et les conflits internes, les entreprises doivent établir une grille salariale claire. Cette dernière sera basée sur l’expérience, le type de poste et les responsabilités. Les iniquités entre les hommes et les femmes ou entre débutants et employés de longue date n’y ont évidemment pas leur place. Et le tout doit être cohérent et compréhensible.

Des exemples à suivre

Le mouvement vers plus de transparence salariale a déjà fait du chemin en Ontario. Avant de changer de gouvernement en 2018, la province allait devenir la première au pays à légiférer sur la question.

La Loi sur la transparence salariale contraint les employeurs à inclure de l’information sur la rémunération dans toutes leurs offres d’emploi publiques, en inscrivant soit le salaire proposé, soit l’échelle salariale. Les recruteurs n’ont plus le droit quant à eux de demander l’historique de rémunération d’un candidat. Le premier ministre Doug Ford a toutefois empêché l’entrée en vigueur de cette loi après son arrivée au pouvoir. Des employeurs ne seraient apparemment pas prêts à s’y conformer.

Divers pays et États américains ont quant à eux progressé sur ce plan. En Lettonie, par exemple, l’affichage des salaires dans les offres d’emploi est obligatoire depuis 2019. Aux États-Unis, le Colorado lui a emboîté le pas plus tôt cette année en votant une loi similaire. Les récalcitrants peuvent même recevoir des amendes allant de 500 à 10 000 dollars par infraction. Plusieurs États au sud de la frontière songent à faire de même.

Cette tendance illustre une réalité du monde du travail, selon Geneviève Cloutier. « Les employés demandent plus de transparence. Les employeurs doivent donc leur fournir une réponse qui satisfera leur appétit », affirme-t-elle.

Ici, la progression se fait lentement. « Au Québec, une entreprise que je connais dans le domaine de la publicité et de la communication affiche à l’interne le salaire de tout le monde, souligne Sandrine Théard. C’est rare, mais c’est possible. »

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